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Exacompta-Clairefontaine : le long terme avant tout
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 12/07/2017 à 17:31

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Crédit : Jeanne Menjoulet

Crédit : Jeanne Menjoulet

Quelqu'un faisait remarquer malicieusement il y a peu dans la presse financière que les grandes innovations technologiques n'étaient pas toujours ce qu'on croyait, ni aussi fracassantes et "disruptives" qu'on le dit tous les jours. Il citait à l'appui de cette thèse un peu iconoclaste, l'exemple de l'invention de l'imprimerie par Gutenberg : s'il est vrai que la mise au point de la presse à imprimer à caractères mobiles, qui permet de fabriquer rapidement toutes sortes de livres avec le même outil, a révolutionné l'Europe en rendant possible la diffusion d'idées nouvelles à grande échelle : découvertes scientifiques, Réforme, etc…, le plus vrai reste encore que tout cela n'a vraiment été possible que grâce au papier. Ce matériau était quelque chose de très banal, déjà à cette époque, et une invention bien plus ancienne, puisqu'elle avait été faite mille ans auparavant en Chine.

Ce qui était vrai au 16 ième siècle l'est encore au 21 ième siècle : on a beau dire, et on a beau faire, malgré la digitalisation, la dématérialisation, les e-mails, la multiplication des écrans, et des écrans tactiles qui plus est, les "applis" en tous genre, l'intelligence artificielle, l'Internet des objets, le blockchain, et le tutti quanti, le papier est toujours là tous les jours pour porter les écrits et les images à nos yeux (ébahis). Ne serait-ce que parce qu'il y a, à présent, des presses à imprimer, pardon, des imprimantes partout, en plus du fait qu'on lit toujours le journal (de préférence sur une terrasse au soleil) et le roman primé de la rentrée, qu'il est toujours de bon ton d'échanger des cartes de visites, de prendre des notes, de rendre des rapports. Mais il faut également bien garder et classer toutes les factures que l'on paie, et nous aimons bien les photos-souvenirs des bons moments de l'existence, en plus de bien emballer le produit.

Bref : il y a encore des choses à faire avec ce matériau archaïque et obsolète, ce vestige anachronique d'un âge totalement révolu, même si sa consommation, mesurée en tonnes, est plutôt à la baisse dans les pays dits "développés ».

De fait, Exacompta-Clairefontaine , une belle société industrielle, soit un chiffre d'affaires de près de 600 millions d'euros en 2016, cotée à Paris, traite avec succès presque tous les segments de ce marché : la société transforme d'abord dans quatre grandes usines la pâte à papier (et le vieux papier recyclable) en papier, pour fabriquer du papier en ramette, des papiers variés pour l'imprimerie professionnelle, du papier carte pour l'emballage, la billetterie, les classeurs, les boîtes de rangement, et ainsi de suite, et elle façonne aussi le papier pour faire des articles de papeterie : cahiers, copies, blocs-notes, papier à dessin, stickers, papier à lettre et enveloppes, agendas, almanachs (: le calendrier des pompiers), etc… avec 25 sites de productions spécialisés.

Exacompta-Clairefontaine est aussi une très vieille société : elle opère depuis 1858 pour le papier, et depuis 1890 pour la papeterie, toujours dirigée, et contrôlée à 80% environ, par la famille fondatrice. Cela ne l'a pas empêché d'acheter récemment de très jeunes sociétés du nouveau monde digital : Photoweb, qui imprime à la demande des albums de photos numériques, puis Lalalab, son pendant pour le mobile, qui sont toutes deux en forte croissance.

Les produits d'Exacompta-Clairefontaine sont partout : chez les fournituristes de consommables de bureaux, petits et grands, chez les libraires, dans les magasins de loisirs créatifs/Beaux-Arts, et dans les linéaires de la Grande Distribution, avec des marques à fortes notoriétés comme Clairefontaine, Clairalfa, Rhodia, Quo Vadis, et, bien sûr, Exacompta. Le groupe livre ses clients grossistes ou revendeurs "avec célérité et précision" grâce à une logistique intégrée de cinq plates-formes très automatisées, capable de traiter sans erreurs ni retards plusieurs dizaines de millions d'articles par an, pour plus de 10 000 références-produits. Une qualité de service qui est vitale éventuellement, dans un marché bien mature, face à des clients puissants, et contre des concurrents dits "faibles" qui font façonner leurs produits en Chine. La qualité se retrouve aussi dans l'outil industriel, qui est en pointe pour le traitement des déchets et pour l'utilisation d'énergie propre, et dans la matière première, la pâte de fibres, dont le bois ne vient que de forêts labellisées gérées durablement.

Rien n'est donc laissé au hasard, et ce positionnement en haut du marché et cette gestion de long-terme paient bien à priori. La société a survécu à tous les bouleversements de son vieux métier, et a aussi réussi à grandir, en rachetant à l'occasion quelques concurrents moins bien gérés. Elle peut aujourd'hui revendiquer une part significative dans la production de papier en France, et une bonne place parmi les leaders pour les articles de papeterie en Europe, où elle réalise 35% de son chiffre d'affaires, avec des forces de vente et des sites de production dans plusieurs pays.

Et, pour qui aime les détails qui ont leur importance, Exacompta-Clairefontaine présente un bilan plutôt bien financé, avec, ce qui ne gâte rien, un bon matelas de cash.

Mais pour qui a tendance à se méfier des histoires trop belles pour être vraies, il y a bien sûr un "downside" sérieux dans ce dossier. En plus d'être un peu sur le déclin, le métier du papier génère structurellement des marges faibles, ce qui n'aide pas alors que prix de revient de la pâte est très cyclique quant à lui. Soit une contrainte économique forte avec cette matière première, dont le prix est déterminé sur un marché global des plus fluctuants, comme il se doit, et d'autant plus fluctuant qu'il est libellé en dollar US.

D'où ce matelas de cash pour passer un éventuel mauvais cap, puisqu'on n'est jamais mieux aidé que par soi-même. Mais d'où aussi, hélas, pour maintenir ce matelas bien épais année après année, une distribution de dividende à un niveau anormalement faible, soit un taux de distribution d'à peine 10% pour 2016, et donc éventuellement critiquable.

Si l'on ajoute à cela  un flottant limité, avec théoriquement 20% seulement du capital dans le public, soit une liquidité réduite parfois à quelques titres seulement échangés par jour, l'absence totale d'attrait spéculatif, et enfin la mauvaise publicité faite indirectement par les difficultés graves et récurrents de son concurrent coté Sequana/Antalis, on peut ne pas s'étonner que la valorisation boursière d'Exacompta-Clairefontaine soit faible elle aussi, avec des multiples Capitalisation Boursière/Chiffre d'affaires ou encore Prix/Actif Net vraiment en bas de la fourchette du marché.

Trop faible, toutes choses étant égales par ailleurs. Cela ne semble pas inquiéter la direction du groupe, en tous cas. Ce qui est, à tout prendre, un autre signe de qualité : l'investisseur "long only" se doit de se méfier des équipes de direction qui gèrent à vue, l'œil rivé sur le cours de Bourse. Lequel cours de Bourse fonctionne bien quand même pour Exacompta-Clairefontaine, avec une performance de +77% en 2016, et de +11% depuis le début de l'année.

Moralité : le long-terme, il n'y a que ça de vrai.

J. Lieury - Analyste Senior - Olier Etudes & Recherche www.olier-etudes-recherche.fr - Membre du Cercle des Analystes Indépendants

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